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• L’art contemporain chez Van Gogh (Cassandre)

V.S. septembre octobre 2000

dimanche 24 septembre 2000, par clf

L’art contemporain chez Van Gogh

Entretien avec Christophe Le François et Patricia d’Isola
Propos recueillis par Valérie de Saint-Do

Texte paru dans la revue CASSANDRE 36-37, septembre-octobre 2000

Belle bâtisse datĂ©e du XVIIe siècle, la maison de Christophe Le François et Patricia d’Isola, ne se distinguerait pourtant pas de l’architecture d’Auvers-sur-Oise, connue pour Van Gogh, son château touristique Ă  l’impressionnisme virtuel, et devenue un lieu de villĂ©giature et de rĂ©sidence chic du Val d’Oise. Quelques dĂ©tails incongrus attirent pourtant le regard dans le jardin, au milieu des jouets : une installation mĂ©tallique, des gants de mĂ©nage sĂ©chant sur un fil Ă  linge, prĂ©sentant la particularitĂ© d’ĂŞtre pourvus d’ongles longs et vernis.

Depuis quelques annĂ©es, Patricia d’Isola et Christophe Le François font de leur maison un vecteur d’entrisme de l’art contemporain dans le temple de l’impressionnisme (virtuel). Autour de leur maison, ils crĂ©ent une vie quotidienne de quartier autour de l’art contemporain, la vie de l’association RDV-Murmures de quartier.

Dernier Ă©vĂ©nement en date, L’Invention des femmes voulait rendre hommage aux femmes ayant enrichi la culture mondiale, y compris celles qui Ĺ“uvrent dans l’ombre. En collaboration avec Marie-HĂ©lène Dumas, l’exposition s’est construite sur un agacement : celui de Christophe et Patricia Ă  la lecture du dĂ©pliant de Beaubourg qui signalait deux femmes parmi les artistes du siècle ! (Annette Messager, Louise Bourgeois, Sophie Calle, Gina Pane, et d’autres y sont ostensiblement ignorĂ©es)... « Le temple de l’art contemporain sexiste », constate Christophe Le François.

PlutĂ´t qu’une position dĂ©nonciatrice, Marie-HĂ©lène Dumas a choisi de demander Ă  des artistes d’Ă©voquer de grandes figures fĂ©minines... Les pièces du rez-de-chaussĂ©e et le jardin accueillent des Ĺ“uvres d’artistes très divers. L’Ă©vĂ©nement Ă©tait aussi ponctuĂ© de deux performances, d’HĂ©lène MarquiĂ© et Eve Couturier qui lit des textes sur de la musique.

Murmures de Quartier a imprimĂ© sa marque, en exigeant un hommage aux Femmes inconnues et en invitant les habitants d’Auvers au dĂ©bat et Ă  la prise de parole sur un art contemporain qui n’est pas sĂ©parĂ© d’un quotidien familial et social.

Cassandre : votre activitĂ© est-elle une critique implicite du fonctionnement de l’art contemporain ?
Christophe Le François : on est Ă  la fois critiques et complĂ©mentaires. Ce qui nous intĂ©resse, c’est que ceux qui viennent nous voir aient un autre regard que le regard institutionnel sur le fait de vivre avec de l’art contemporain et ne pas simplement le consommer dans une structure. Mais nous aimerions aussi que ceux qui viennent ici pour la première fois - ce qui est le cas de nos voisins qui pour la plupart ont mis les pieds pour la première fois dans une expo d’art contemporain - aillent dans les centres d’art.

Quel est le regard des institutions culturelles et des centres d’art sur votre travail ?
C. Le F : on fait quelque chose Ă  notre niveau, avec l’idĂ©e politique d’installer de l’art contemporain dans le quartier. La Ville est bien entendu intĂ©ressĂ©e par l’activitĂ©. Jusqu’oĂą une activitĂ© expĂ©rimentale, plutĂ´t de nature artistique, peut-elle se substituer au volontarisme politique d’une municipalitĂ© ? On n’en est pas du tout convaincus. Pour faire ce travail, on nĂ©gocie sur un budget de 300000F (env. 45800 €), sachant que nous pouvons aider Ă  la mise en place d’une structure pour ensuite passer la main.
Nous sommes sollicitĂ©s par des lieux institutionnels oĂą l’on prĂ©sente de l’art contemporain, dans le registre de ce que l’on appelle « l’esthĂ©tique relationnelle » [1]. Mais on ne peut pas leur rĂ©pondre ! Sinon, il faudrait exposer le quartier…

Les structures de l’art contemporain ne rĂ©pondent pas forcĂ©ment aux besoins, les nouvelles pratiques s’inventent ailleurs…
C. Le F. : on a des rĂ©fĂ©rentiels thĂ©oriques, notamment Michel de Certeau, qui refuse par exemple d’utiliser le terme de culture populaire, parce qu’Ă  partir du moment oĂą l’on parle de culture populaire, on l’infĂ©ode Ă  la culture savante, celle qui se construit Ă  travers l’Institution culturelle. Il y a vĂ©ritablement des lieux de crĂ©ativitĂ© et de crĂ©ation qui ne sont pas dans l’Institution, qui se font dans les marges dans les interstices, pas forcĂ©ment contre mais ailleurs. Notre refus d’ĂŞtre intĂ©grĂ©s dans des Ă©vĂ©nements de nature institutionnelle sur le registre de l’art contemporain relève de cette rĂ©sistance. Les gens de l’Institution culturelle sont intelligents : ils ont besoin de cette crĂ©ativitĂ©. Mais on sait que l’usage fait de cette crĂ©ativitĂ© dans ces rĂ©seaux la phagocyte, la pompe, la dĂ©truit.
On a l’expĂ©rience de l’Arc en mĂ©moire : un lieu créé dans une situation post-68, qui bascule progressivement sur le registre institutionnel. Dire qu’on veut vivre avec l’art contemporain, ça signifie qu’on ne veut pas aller le consommer dans une institution. MĂŞme s’il y a ici une pièce de Ben Vautier, la question pour nous est de savoir comment vivre avec un Ben, pas d’aller le voir Ă  Beaubourg.

Murmures de quartier interviendra le 23 septembre pour un parcours artistique au CREDAC d’Ivry (en voir le compte-rendu : AmitiĂ©s critiques-ActivitĂ©s microbiennes)


Le projet RDV, murmures de quartier

H24, le travail collaboratif de Patricia d’Isola et Christophe Le François




Notes

[1] Mouvement qui travaille sur les relations humaines et sociales comme acte artistique, théorisé par Nicolas Bourriaud.

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