L’idée de travailler au sujet de la question de la détérioration et de la restauration vient de la visite d’une exposition réalisée par le Musée du Louvre, intitulée "Polyptyques" (1990), qui confrontait des œuvres historiques et contemporaines.
La majorité des retables présentaient des craquelures, à la jonction des éléments qui constituaient le support, et diverses traces d’usure ou d’impact dues à l’usage.
La perception d’une profondeur temporelle résultait à la fois de la narration picturale, des références aux mythologies en même temps que de la visibilité de l’empreinte du temps réel, inscrite par les coups, les frottements et par le travail sous-jacent des matériaux.
A la profondeur symbolique du retable s’ajoutait ainsi la lecture formelle d’un objet détérioré qui affichait, en dépit des restaurations successives, un vieillissement inéluctable.
Des travaux contemporains offraient en contrepoint la possibilité d’une autre perception par des propositions qui gommaient la figure, la narration et se focalisaient sur des aspects formels (Ryman, Asse, Marden, Kelly, Soulages).
Il en résultait la sensation d’un aplat, d’une surface au besoin résultant d’une combinatoire, et d’une mise à distance critique.
En s’approchant des objets chacun pouvait pourtant observer les empreintes de l’usage et le vieillissement des matériaux, des paramètres incontrôlables par les auteurs.
Les éléments de Kelly, tout particulièrement, qui comportaient des traces de manipulation, apparaissaient tels les révélateurs d’une histoire qui se déroulait hors champ.
Le regardeur se trouvait dès lors confronté à des injonctions de lecture paradoxales : si Kelly dit, d’un côté, "La forme de ma peinture est son contenu", la réalité de sa peinture telle qu’elle s’offrait au regardeur incorporait, de l’autre, les traces des activités menées hors cadre. Des activités professionnelles multiples (des traces de manipulation pour l’accrochage par exemple, mais également de la production textuelle...) qui assurent une présence publique et une existence institutionnelle ; une "profondeur historique" découlant d’une perspective critique comme le signalait par ailleurs Rosalind Krauss.
D’où une série de propositions développée sur le thème du monochrome, dont l’existence indexe pour une part les tentatives picturales désespérées menées pour contourner la narration et son corollaire, le vieillissement.
D’une manière générale, chacune d’elles s’accompagne d’un travail sur l’archivage : l’usager ou le collectionneur réalise une documentation à leur propos ; l’objet devient objet-document :
Ce projet a été présenté à la galerie du CROUS à Mont-Saint-Aignan en 1994, voir cette page
Voir également la série interdit de restaurer :
Actualisations
Sexy formalism and Rosalind – Red 1993/2016
Description
Titre : Petits monochromes délictueux
Série initiée en 1990
Bois, enduit, peinture
Dimensions 30 x 30, 40 x 40, 100 x 100.
Bibliographie : Karen O’ROURKE, L’archivage comme pratique artistique. Rapport pour le CNRS, programme "Archives de la création" (dir. C. Mieréanu), 2002.
Collections particulières et collection de l’artiste
Photographies : christophe le françois